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Bernard Boire

Pourquoi engager un consultant?

Updated: Aug 17, 2020

L’utilisation de consultants a été, de tout temps, quelque peu controversée. Pourquoi engager ces mercenaires qui vous « empruntent votre propre montre pour vous dire l’heure »...et qui vous facturent pour le privilège?

Moyenne vs variance

Le professeur Bartholemy du ESSEC Business School a étudié l’utilisation de consultants par l’industrie vinicole en France (311 vignobles sur une période de 10 ans - la qualité était mesurée par les scores de dégustation Wine Spectator et Robert Parker). Ses observations nous semblent tout à fait applicables au conseil en gestion.

Sa première observation d’intérêt est la distinction qu’il a fait entre la moyenne et la variance de la qualité. Il a noté que les vignobles utilisant un consultant avait, en moyenne, une qualité supérieure à ceux ne le faisant pas.

Cependant ils avaient aussi moins souvent des cotes extrêmes. L’utilisation d’un consultant était donc corrélée avec une cote ‘moyenne’, i.e. ni excellente, ni terrible. Au contraire, plusieurs des grands vignobles n’avaient jamais utilisé de consultants (Pétrus par exemple n’en utilise jamais).

Expertise et expérience

Ceci s’explique facilement par le fait que la pierre d’accise de la valeur d’un consultant tient dans son savoir, lequel à deux sources:

» son expertise, obtenue par ses études et sa formation, et

» son expérience, accumulée via ses divers mandats avec des clients.

La raison d’être d’un consultant n’est donc pas de fournir à son client un simple savoir ordinaire, mais plutôt d’identifier, ou de développer « les meilleures pratiques » et d’utiliser celles-ci pour aider ses clients à améliorer leur performance.

Meilleures pratiques et ressources

Parce que les dites meilleures pratiques sont plus éprouvées que les pratiques idiosyncratiques individuelles elles ont moins de chance de résulter en une performance inférieure. D’un autre côté des pratiques « uniques », différenciées sont une condition nécessaire à une performance exceptionnelle. Parce que les meilleures pratiques ne sont pas, par définition, uniques, elle réduisent aussi la chance d’avoir une performance véritablement très supérieure.

Le professeur Bartholemy a aussi observé que la qualité des ressources disponibles avaient un fort impact sur les résultats. Son étude démontre que les vignobles avec un terroir de faible qualité (la ressource dans son étude) avaient bénéficié plus de l’aide d’un consultant que ceux ayant un terroir de grande qualité.

Améliorer ou surpasser

Son étude a donc deux implications importantes pour toute entreprise considérant engager un consultant:

1. La décision d’engager un consultant devrait relever de la stratégie de l’entreprise. Si son objectif est d’améliorer sa performance, engager un consultant fait du sens. Par contre, si l’objectif est d’atteindre une performance vraiment supérieure, « jouer sûr » en engageant des consultants n’est vraisemblablement pas la bonne décision. Parce que leurs conseils ne leur sont pas uniques, ils peuvent en fait devenir un obstacle au succès. Cependant, il est important de se rappeler aussi qu’être ‘unique’ ne garantit pas le succès; cela peut parfois conduire à l’échec.

2. La décision d’engager des consultants doit aussi dépendre de la qualité des ressources de l’entreprise. Comparées aux entreprises dotées de ressources de grande qualité, celles n’ayant que des ressources de plus faible qualité tendent à bénéficier plus de l’aide de consultants. Avec ces dernières les consultants ont plus d’opportunité d’ajouter de la valeur par le levier de leurs meilleures pratiques. Ainsi leur impact (positif) sur la performance pourra être important. Des ressources de grande qualité, quant à elles, tendent à être très productives, peu importe comment elles sont gérées et les consultants ont alors moins de chance d’améliorer leur performance avec l’implantation de leurs meilleures pratiques.

Toutefois, la recherche démontre aussi que les entreprises ne prennent pas toujours ces décisions d’engagement d’un consultant de cette façon rationnelle!

Les vignobles avec les meilleurs terroirs avaient en moyenne plus souvent recours à des consultants, bien que bénéficiant moins de leurs conseils. Le problème semble être qu’ils étaient aussi les plus rentables et le plus à même d’avoir de l’argent « à brûler ».

Par contraste, les vignobles avec des ressources de plus faible qualité tendaient à être moins profitables, à avoir moins de moyens pour payer des honoraires de consultants. Paradoxalement, les entreprises qui bénéficieraient le plus de l’aide de consultants sont souvent celles le moins tentées, ou à même de le faire.

Des résultats démontrés

Malgré la prolifération des gourous du management, des consultants en management et des écoles de management, pour beaucoup ce que font vraiment les bonnes pratiques de management et pourquoi elles sont nécessaires n'est pas franchement limpide. Dans le cadre d'une collaboration de la Banque mondiale et de l'université de Stanford avec le cabinet de conseil Accenture, des chercheurs ont sélectionné au hasard des usines de textile en Inde qui allaient profiter gratuitement d'un remaniement de leur management pendant cinq mois, et ont comparé la rentabilité et l'efficacité de ces usines réorganisées (par l’implantation de 38 des meilleures pratiques reconnues) avec un groupe d'usines témoins qui continuaient leurs activités sans rien changer. Les résultats ont montré que la productivité avait augmenté d'environ 10% grâce à ces meilleures pratiques.

Le cumul de toutes ces pratiques a le potentiel de nous faire craindre un monde digne de Dilbert où sévissent des demandes de rapports alambiqués, une surveillance à la Big Brother et des procédures rigides qui émoussent la créativité et l'innovation. Cependant, études après études, démontrent clairement leur potentiel pour améliorer les pratiques en place...et la contribution possible des consultants.


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